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Pour en finir provisoirement, mais je vais y revenir un jour, avec ma saga Stagger Lee où plutôt pour que Stagger Lee en termine avec cette histoire et avec nous tous pour la même occasion, voici la conclusion en évoquant la version , plutôt les versions, de Lloyd Price en 1958 et dont la seconde a été un succès mondiale.
Lloyd Price avait au préalable, pré de 6 mois avant, enregistré pour la firme ABC une première version-adaptation avec des paroles qui reprenne la dramaturgie initiale mais ABC refuse de publier cette dernière et demande à l'artiste de réenregistrer la partie vocale avec des paroles édulcorées, passe partout... Lloyd Price accepte sans savoir qu'à court terme il se tire une balle dans le pied et sans le savoir il se met finalement là dans la posture de Billy Lyons que Stagger Lee flingue dans la légende pour conserver son chapeau. Après, certes un gros succès international, Lloyd Price ne rencontre plus jamais un telle aubaine et sa gloire éphémère s'achève bientôt totalement. Stagger Lee a toujours le dernier mot. La moralité, il ne faut jamais chercher à voler le chapeau de son voisin.
Je désire à vous parler encore de cette foutue chanson Stagger Lee mais surtout pas de manière convenue car pour CELA il existe 'Sly Stone : Le Mythe de StaggerLee de Greil Marcus (Editions Allia - 2000) ou presque tout de convenu, justement, a été écrit.
Non, aujourd'hui, je (ré)écoute encore Bob Dylan alors je ressors la magnifique pochette électrique de son album acoustique de 1993 'Gone Wrong' où sur les photos recto et verso de la pochette, il porte 2 chapeaux différents ! Recto, un haut de forme noir ; verso, un Stetson blanc.
Sur cet album produit par Bob Dylan lui même, il l'aurait enregistré seul dans son garage avec simplement une guitare acoustique, un harmonica et sa voix, il reprend que des chansons traditionnelles du folk blues d'Amérique du Nord donc Stagger Lee qui pour l'occasion, il adapte en Stack A Lee ; j'ai cherché longuement mais je n'ai pas trouvé sur internet d'enregistrement de cette adaptation par Bob Dylan en personne mais juste une reprise de cette version par un illustre inconnu, au final je trouve que ce n'est pas plus mal car CELA m'a permis de me focaliser sur l'histoire des deux chapeaux et de leurs symboliques.
Stack A Leeselon Bob Dylan
reprise par un anonyme.
À mon sens le chapeau haut de forme noir, de la photo recto, c'est la face sombre qu' "ils" diront mauvaise, maléfique, diabolique de Stagger Lee (le roublard, l'incontrôlable, le tueur...) qui s'affirme en portant le couvre chef distinctif des nantis dont il n'a que faire mais dont il utilise le haut chapeau noir pour signifier son indépendance rebelle, ultime, voir sublime, puisqu'il estime qu'il a le droit de revendiquer que tout ce qui appartient aux nantis, oui ! lui appartient à lui aussi ! Même si il est quitte à le faire de manière illégale. La sédition totale en forme ! Tout en s'accordant le droit de développer une classe certaine, prestance élégante qui pourquoi ne serait que l'affaire des nantis !? Et puis quoi encore ?
Le Stetson blanc du verso de la pochette est celui des cow boys, des vieux ploucs... de ceux qui ont bien bourlinguer et fini par acquérir une véritable sagesse de par leurs bonnes expériences alliées à des souvenirs dont tous Stagger Lee savent qu'elle n'a de sens que si ils parviennent à prendre le temps afin de transmettre cette 'sagesse'... ou plutôt savoir.
Enfin, je vois les 'choses' de la sorte. Bob Dylan, dont un 'ami' me disait récemment qu'il ne prenait plus de risques (ce qui ne signifie strictement rien dans le cas de Bob Dylan !), il a été Stagger Lee au haut de forme noir de 1965 à 1966 quand il passe de l'acoustique à l'électrique, du 'folk' au 'rock', qu'il casse son image poussiéreuse de hobo pour ré-apparaitre dandy aux lunettes noires en précieux en blouson de cuir, puis surtout en enregistrant sa trilogie inégalable 'Bringing It All Back Home (1965), Highway 61 Revisited (1965), Blonde On Blonde (1966) pour s'entendre être traiter de Juda lors d'un concert à Edinbourg. Bref ! Par la suite très vite et jusqu'à aujourd'hui Bob Dylan n'a plus, dans le fond, cherché à innover tant au niveau de ses écritures musicales que de la poésie de ses mots, de ses formules, il a travaillé, le fait toujours aussi avec brio d'ailleurs, sur la forme afin de transmettre tout à la fois son œuvre, son âme personnelle et celle d'une Amérique que Greil Marcus nomme interdite... Bob Dylan est un extraordinaire transmetteur, toutes ses dernières productions en attestent encore, il y chante comme un crooner improbable, un Sinatra passé à la lessiveuse de la Beat Generation. Alors Bob Dylan ne prendrait plus de risque ? Qui sont ceux qui affirment ça ? Comment vivent-ils finalement ? Juste dans le confort de l'argent des portefeuilles qu'ils dénoncent ! Bob Dylan est aussi donc Stagger Lee au Stetson blanc tel un bienveillant ange Gabriel au flingue rutilant et munitions précieuses.
Bob Dylan est l'une des facettes toujours bien vivante de Stagger Lee et des revanches de ce dernier. Bob Dylan porte simultanément à merveille les deux chapeaux de Stagger Lee ! Et pourquoi pas, si vous vous payez un Stetson ?
Après Leon Redbone, Dick Rivers, Scott Walker, Dick Dale, Pete Shelley de The Buzzcocks... Une liste s'allonge comme une litanie de saints ; tous n'ont certes pas chanté Stagger Lee mais Amy Winehouse, Mississippi John Hurt, Woody Guthrie, Dave Van Ronk, Wilbert Harrison, Wilson Pickett, pour ne citer que quelques célébrités comme cet acteur de feuilleton t.v... même Joe Strummer avec The Clash, à leur manière ont interprété Stagger Lee puis il y a tous ces titres comme le 'I'm your Hoochie Coochie Man' de Muddy Water ou 'Back Door Man' de Willie Dixon pour Howlin'Wolf qui sont inspirés par le mythique Stagger Lee ; enfin avec tout cela il y a les 2 versions aux textes radicalement différents de Lloyd Price mais j'y reviendrai. Alors restent-ils des survivants dans la salle ? pour la transmission... Nick Cave et Bob Dylan sont certes toujours là mais après eux ? L'affaire de la chanson Stagger Lee c'est comme le vaudou ou si vous préférez le bien c'est le mal et le mal c'est le bien alors un truc de loufs vous me direz mais au final pas si louf puisqu'à l'image de l'histoire des Etats Unis...
Ecoutez bien l'introduction !
...CELA, tout ce bazar, nous le retrouvons jusque dans le film que j'ai été voir, hier soir, avec BlueBee, à savoir Rocket Man qui est consacré Elton John, un film qui m'a agréablement surpris puisque populaire et profond, même j'avoue qu'il a fait changer mon regard sur Elton dont je ne serais certes jamais un inconditionnel, mais c'est un film courageux qu'Elton John a produit lui même de manière exclusive. Puis dans 'Rocket Man', il y a une scène qui m'a frappé ; elle se passe dans le lieu où Elton John doit donner son premier concert au Etat Unie : The Troubadour, au dessus du bar il y a d'accrocher un chapeau blanc de Cow Boy qui appartient au patron auquel Elton John demande le couvre chef, 'impossible...' répond le patron '...il m'appartient !'... CELA ne vous rappelle rien ? Puis quelques scènes plus loin Bernin Taupin annonce à Elton John : 'il parait que Bob Dylan est dans les parages' , ce qu'il faut savoir c'est que Bob Dylan a chanté Stagger Lee ! Elton John a payé très cher a vouloir des Etats Unis porter tous les couvres chefs, les fringues aussi, les plus exubérants possibles. Le Setson de Stagger Lee c'est le rêve américain, plus encore la malédiction quand on désire le voler. Amen !
Elton John sans chapeau !
Maintenant Elton John va mieux, pour preuve sur la compilation 'The American Epic Sessions', en hommage à ces vieilles chansons populaires de blues et de folk, il reprend en duo avec Jack White 'Two Fingers Of Whiskey', le piano d'Elton y sonne comme celui du Dr. John. Vous ne voyez peut-être pas le rapport avec Stagger Lee mais moi je sais que je suis retombé sur mes pattes, c'est CELA aussi le mythe de Stagger Lee : savoir rebondir sur ses pattes. À suivre...
Jimi Hendrix a déclaré que la composition de The Troggs 'Wild Thing' devrait être l'hymne national des Etats Unis, je le comprend, je trouve que c'est une proposition pertinente surtout en pleine guerre du Vietnam...
...cependant pour moi si une chanson populaire fait encore plus sens à être d'une manière souterraine celle qui représente le mieux symboliquement l'Amérique, les Amériques et surtout la rebelle dignité populaire face à l'entropie du capitalisme libéral des Etats Unis, c'est 'Stagger Lee' ! une chanson qui a fini par avoir une résonnance internationale malgré le thème tout à fait subversif de cette histoire qui parait immorale pourtant !? D'ailleurs l'écrivain Greil Marcus* lui a consacré tout un chapitre au début de son livre Lipstick Traces, une histoire souterraine du vingtième siècle**, sous le titre du chapitre 'Le mythe de Stagger Lee' qui d'ailleurs est devenu par plus tard un petit recueil indépendant d'une bonne centaine de pages "Sly Tone : Le mythe de Staggerlee...***" dont les 15 premières pages posent presque tous les éléments à savoir pour appréhender toute l'importance de cette chanson, un folk-blues au départ, dont on n'arrive plus à comptabiliser les plusieurs centaines de versions (blues, folk, rock, rythm'n blues, soul, punk, ska...) de par tous les états des USA mais aussi à travers le monde ; pour ma part j'ai déjà réussi en collectionner plus de 120 déclinaisons différentes, des variantes musicales mais aussi surtout au niveau des lyrics, des conclusions ! Mais que quoi parle cette chanson qui a été inspirée par un fait divers réel ? "Un jour, quelque part, il y eut un meurtre : un certain Stack-a-Lee - ou Stacker Lee, Stagolee, ou Staggerlee - flingue un certain Billy Lyons - ou Billy le Lion, ou Billy the Liar (le Menteur). Cette histoire, l'Amérique noire ne s'est jamais lassée de l'entendre et n'a jamais cessé de la revivre [...]Les images d'un million de versions de l'histoire ont fixé pour toujours un archétype qui joue sur des fantasmes de violence gratuite et de débauche sexuelle, de luxure et de haine, d'oisiveté et de roublardise, le rêve d'un style et d''un certain type d'ascension sociale. Pour des gens qui vivent au quotidien dans un labyrinthe de limites, et qui ne peuvent les transgresser qu'entre eux, il s'agit, plus profondément d'un fantasme de liberté totale. C'est à la fois le portrait du personnage fort et plein d'énergie que chacun aimerait être, et aussi une danse macabre dérisoire et tapageuse. Billy est mort pour un chapeau à 5 dollars ; parce qu'il a battu Stagger Lee aux cartes, ou aux dés ; parce que Stagger Lee trichait et que Billy a été assez bête pour lui faire remarquer. Cela s'est passé à Memphis au tournant des siècles 19 et 20, à la Nouvelle-Orléans dans les années vingt, à Saint-Louis vers 1880...selon les versions ? Pourtant, la façon dont fut commis le meurtre a son importance : Staggerlee a tué Billy, pour reprendre les mots d'une chanson de Johnny Cash, juste pour le voir mourir." - Greg Marcus*. C'est une histoire terrifiante et édifiante, "...Billy the Lion a dit à Staggerlee/S'il te plait laisse moi la vie sauve/J'ai deux gosses et une gentille femme qui m'aime [...] Que m'importe tes gosses... Tu as volé mon chapeau/Il faut que je te flingue [...] bang-bang, bang-bang a fait le flingue... " ; pourtant à y regarder de prés en décortiquant les symboles de cette chanson, aussi en étudiant dans l'historicité de leur apparitions les versions, j'en arrive à conclure que Staggerlee ne veut fondamentalement que l'amour, la liberté et la justice pour tous et qu'il appuie sur la détente pour transformer l'amour en mort... mais aussi surtout le mal en amour... Mais je vais y revenir une fois prochaine, dans un second épisode... à suivre...
*Greil Marcus est un essayiste, critique rock américain, né en 1945. Spécialiste de la pop culture américaine, il s'est intéressé dans ses ouvrages à, entre autres, Bob Dylan, Elvis Presley, les Sex Pistols, ou Sly Stone. **Lipstick Traces, une histoire souterraine du vingtième siècle Ouvrage indispensable pour appréhender au mieux l'importance, entre autre, du phénomène punk et excellente introduction au situationnisme. Paru en 1988 aux Editions Allia. Disponible aussi en version livre de poche, collection - Folio 19/18. ***Sly Tone : Le mythe de Staggerlee... Paru en 2000, aux Editions Allia.