jeudi 8 novembre 2018

DE L'IMPORTANCE DE BOB DYLAN...






Pour dire ce que je pense de Bob Dylan, je profite de la parution du nouveau volume des 'The Bootlegs series', le numéro 14, des archives de Bob Dylan qui se nomme 'MORE BLOOD, MORE TRACKS' [Plus de sang, plus de rails] et qui correspond aux séances de travail en 1974 à New York de l'album 'BLOOD ON THE TRACKS' [Le sang sur les rails] paru en 1975. je considère cet album comme l'une des multiples pierres angulaires de l'œuvre de l'un des deux plus grands artistes, hors pairs, inégalables issus de l'histoire du rock américain, l'autre étant pour moi Lou Reed.


'BLOOD ON THE TRACKS' et désormais 'MORE BLOOD, MORE TRACKS' offre deux des plus belles compositions de Bob Dylan, aussi bien que musicalement que par les textes de ces deux chansons, à savoir 'Idiot Wind' et 'Shelter from the Storm' et qui démontre que le prix Nobel de littérature attribuée à Bob Dylan en 2016 est plus qu'amplement justifié ! Mais j'y reviens plus tard. 

IDIOT WIND [Souffle Idiot] est une longue complainte qui a tout l'air d'une chanson d'amour qui parle en s'adressant à une femme parle d'une rupture... "...Souffle idiot qui souffle en rond autour de ma tête / Du barrage de Grand Coulee au Capitole / Souffle idiot qui souffle quand tu bouges les dents / Tu es une idiote, chérie / Etonnant que tu saches encore respirer // Je n'arrive plus à te sentir là, ni même à toucher les livres que tu as lus / Chaque fois que je rampe devant ta porte, je préférerais être quelqu'un d'autre..." mais nous savons que contrairement à bien d'autres chansons d'amour composée par Bob Dylan a partir d'éléments autobiographiques, ici que cette narration n'est qu'une pure fiction ; puis il est vite fait à cause de juste un passage de croire que toute la chanson ne s'adresse qu'à une unique femme, à une seule personne car comme bien souvent avec la poésie de Bob Dylan si on ouvre les tiroirs à images des vers de Bob Dylan, on y entrevoit bien d'autres choses, par exemple avec la première strophe du premier couplet (cette chanson contient 4 longs couplets de 2 fois 5 vers et 4 refrains presque identiques) 'Quelqu'un m'en veut, on sème des salades dans la presse / Qui que ce soit je voudrais qu'un jour, Dieu sait quand, ça cesse / On dit que j'ai tiré sur un certain Gray, emmené sa femme en Italie / Elle a hérité un million qu'à sa mort on m'a transmis / Si j'ai de la chance j'y peux rien..." visiblement là Bob Dylan ne s'adresse pas là à une femme qu'il quitte... Puis le fait que l'on l'accuse d'avoir tiré sur un certain Gray, pour les avertis, cela renvoit à cette chanson traditionnelle du folk-blues des Etats-Unis "Staggerlee" avec sa légende maudite.


Staggerlee que d'ailleurs Bob Dylan va reprendre en 1993  sous le titre de Stack A Lee sur son album acoustique World Gone Wrong afin nous avertir qu'aucun homme n'atteint l'immortalité à travers le succès public. Je pense pour ma part que c'est bien déjà de cela qu'il s'agit en 1975 avec IDIOT WIND ; visez le dernier couplet & le dernier refrain 'C'est la dernière fois que l'on me double et me voilà libre enfin / J'ai donné le baiser d'adieu à la bête hurlante sur la frontière qui te séparait de moi / Tu ne sauras jamais les coups que j'ai endurés ni la douleur que je surmonte / Et je ne saurai jamais rien de semblable sur toi, ta sainteté ou ton genre d'amour / Et vraiment ça me désole. // Souffle idiot qui souffle par les boutons de nos manteaux / Qui souffle par les lettres qu'on écrivait / Souffle idiot qui souffle dans la poussière de nos étagères / On est des idiots, chérie / Etonnant qu'on arrive encore à s'alimenter.'. Non ! Cette chanson ne peut pas s'adresse qu'à une unique femme, elle nous est aussi adressée. 


Puis sur 'BLOOD ON THE TRACKS' , il y a 'SHELTER FROM THE STORM' [À l'abris de la tempête] dont Bob Dylan, dés 1976, donnent souvent en concert des versions très différentes , acoustiques, électriques, lentes, rapides, sereines, détachées, furieuses... Cette chanson n'a pas de refrain, elle est composé de 10 strophes de quatre vers chacune dont le dernier revient à chaque fois comme un leitmotiv ' "Come in," she said. " she said. "I'll give you shelter from storm" ' - ' "Entre", dit-elle, "je te mettrai à l'abri de la tempête". Cette tempête c'est les désastres existentiels qui sont successivement décrits à chaque fois dans les 3 vers qui précédent le leitmotiv et dont la seule porte de sortie semble être que cette invitation féminine à se mettre  chez elle à l'abri de la tempête mais cette proposition de porte de sortie qui revient en boucles, n'est-elle plutôt l'entrée dans la tempête ? Dans le tourment existentiel ? Dans la propre perte des illusions personnelles ou/et de l'abandon, la résignation du narrateur à disparaître, à mourir... où plutôt même la proposition du narrateur à l'auditeur à rentrer, donc à se regarder en face lucide, dans sa propre tempête, dans ses propres tourments... Quand on entend, écoute cette chanson, l'on sent vraiment qui se passe quelque chose de pas ordinaire ! Bob Dylan démontre là qu'il a ce pouvoir avec des mots qui décrivent de l'anecdotique puisque chaque couplet n'est composé que d'anecdotique, de savoir décliner un chant qui au finale à une portée universelle , alliée à une puissance radicale, un chant intemporel propre au sacré de toute humanité...

Rien que ces deux chansons montrent bien que le prix Nobel de littérature, j'y reviens donc, de Bob Dylan en 1976, pour "avoir crée de nouvelles expressions poétiques, dans le sillage de la chanson traditionnelle américaine", fait tout à fait sens dans une seconde moitié de siècle 20 et début de 21 où l'on peut réellement s'interroger sur cette multitude de "Poètes". Des auteurs qui font de la poésie sans ponctuation, sans métrique, sans lyrisme, avec vers libres à gogo, de la tautologie à outrances et des redondances ronflantes, allant jusqu'à vider le plus partiellement possible la page de mots sous prétexte qu'il faut, faudrait interroger le sens alors que peut-être c'est qu'ils n'ont rien de très profondément et d'humainement collectif à écrire puisque plus préoccupé à vouloir mettre en avant un égo sans véritable altruisme.


Je n'en ai pas honte ! J'ai acheté et lu le discours à l'Académie suédoise de Bob Dylan pour son prix Nobel de littérature et béh ! croyez moi cela remet les pendules à l'heure en ces temps de grande "dé-pensée" dans les milieux de "La Poésie". Enfin pour conclure, je désire reprendre ici la conclusion de Bob Dylan de ce discours qui est si important pour la Poésie & la Littérature d'aujourd'hui, lisez ce discours ! "...Et c'est ce que sont les chansons, aussi, Nos chansons sont vivantes au pays des vivants. Mais contrairement à la littérature, les chansons sont destinées  être chantées, et non pas lues. Les textes des pièces de Shakespeare avaient pour vocation d'être dits sur scène. De même, les paroles des chansons ont pour vocation d'être chantées et non pas lues sur une page... Je reviens une fois encore à Homère qui dit : "Chante en moi, ô muse, et à travers moi raconte l'histoire." 


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21./ J.J CALE : "Magnolia" (1970).