vendredi 17 mai 2019

MARC RIBOT CONTRE LA MUSIQUE... TOUT CONTRE... FAIT NAÎTRE.



Je l'ai vu arrivé seul, rentrant dans le hall de la salle du concert, tel un vieil naufragé, rescapé, très fatigué aussi, descendant d'un train ou d'un taxi, avec sa valise-guitare, usées la valise et la guitare acoustique...

L'un de mes très nombreux enregistrements préférés en public de Lou Reed est un concert 'No Drums 92 Art Project Munich' en trio avec  Greg Cohen à la basse et Marc Ribot à la guitariste ; à l'écoute de ce concert ont peu dire que Lou Reed n'a jamais peut-être autant chanté contre la musique, dans le sens que les paroles sont beaucoup plus récitées que véritablement chantées pourtant Lou Reed y est extra-ordinairement lyrique alors une formule comme 'Lou Reed chante contre la Musique' me semble toute à fait adaptée, très éloquente et juste. Le concert en solo auquel j'ai assisté de Marc Ribot, le 16 mai 2019,  à La Ferme d'en haut de Villeneuve d'Ascq a toute cette dimension d'une exécution de la pratique d'un art contre la Musique... et j'en ai été subjugué !



NOUS connaissons les expressions : les musiques du monde, aussi le monde de la musique et moi même je croyais savoir qu'elles faisaient sens sauf que depuis ce que j'ai perçu de Marc Ribot avec sa guitare offre en mettant la musique au monde, je me dis que ces deux expressions fourre tout n'ont pas réellement de sens...
Marc Ribaud est  à sa manière une véritable légende vivante, né le en 1954 dans le New Jersey, c'est un guitariste, compositeur américain qui réside essentiellement à New York. Il a étudié la guitare classique avec Frantz Casseus. Il est accompagné de différentes formations : Shrek, Rootlees Cosmopolitans, Los Cubanos Postizos, Spiritual Unity, Ceramic Dog  et joue dans les groupes Bar Kokhba et Electric Masada de John Zorn. En 2008, Anaïs Prosaïc lui a consacré un excellent documentaire Marc Ribot : La Corde Perdue. Extrêmement éclectique, il a collaboré avec des artistes aussi différents tels que Noras Jones, McCoy Tyner, Tom Waits, The Jazz Passengers, Vinicio Capossela, Elvis Costello, John Zorn, Mike Patton, Marianne Faithfull, Alain Bashung, Gavin Friday, Caetano Veloso, Anthony Coleman, Jim Thirlwell, Tricky, Cassandre Wilson, Medeski Martin & Wood, Madeleine Peyroux, 17 Hippies, Naïf, Anarchist Republic of Bzzz et Diana Krall.  




À La Ferme d'en Haut de Villeneuve d'Ascq, Marc Ribaud a demandé que l'on prie de recommander au public de se faire le plus discret possible afin qu'il y ait le moins de bruit possible durant sa prestation ; après coup le public mesure l'importance de cette prière. La vieille guitare usée qui a l'air de sortir d'un rebut de cochonneries de choses invendables du fin fond d'une arrière salle de la boutique d'un brocanteur, est juste amplifiée de manière rudimentaire par un micro extérieur, bien sûr ici pas de pédale d'effets, ni d'autre gadget cache misère afin de trafiquer le son ; ce sera pur, brut et interprété sans aucune amplification excessive. Les compositions, moins d'une dizaine, sont de véritables paysages sonores en mouvement que Marc Ribot nous fait traverser par le biais d'ambiances successivement classique, folk, blues, jazz, rock, traditionnelle, moderne, avant-gardiste, bruitiste... tout y passe, articulé, conjugué d'une manière qui si, avant d'y être invité et immergé, pourrait paraître improbable, impossible et vouée à l'échec, s'avère d'une évidence, d'une logique et d'une réussite totale. Assurément, là, la part à l'improvisation est extrêmement importante mais il y a des thèmes, des mélodies, des successions d'accords qui ne nous sont pas étrangers. La première partie du concert, je suis demeurer droit devant la scène a écouter, regarder la dextérité des doigts du guitariste et aussi le visage extrêmement expressif de Marc Ribot... puis j'ai éprouvé le besoin, une nouveauté pour moi, d'aller m'assoir sur une marche d'escalier au milieu de salle du concert, j'ai pris mon visage entre mes mains, j'ai fermé mes yeux et je n'ai plus écouté que la Musique... parfois j'ai aussi ressenti la nécessité de regarder quelques autres visages et postures de spectateurs, c'était stupéfiant... ils étaient tous comme sous hypnose... non pas sous ou dans la musique mais contre la Musique... oui contre !  tout contre comme des amants, des corps qui s'aiment communiquant profondément en inventant un monde, mettant au monde la Musique. Marc Ribot c'est CELA, un homme avec sa guitare contre lui, qui joue contre la Musique... tout contre la Musique comme un amant, un aimant qui devant vous, pour vous vous offre la naissance de cette Musique... . Marc Ribot ne joue pas de la Musique, il l'a fait naître... Tout contre elle, Marc Ribot fait naître la Musique. Marc Ribot fait naître.


Moins d'une heure après sa prestation dans le hall d'entrée de la salle du concert, Marc Ribot, avec sa valise-guitare et son visage fermé de rescapé fatigué, s'avance vers la sortie extérieure pour quitter les lieux, quelques personnes l'abordent, lui disent quelques mots, s'arrêtant il fait une pause, nul, je le remarque, ne lui demande d'autographe, il sourit discrètement avec une discrétion et humilité sidérante ; j'ose m'approcher de lui, dans mon pauvre anglais à l'accent exécrable, m'en excusant au préalable, je bafouille, je le remercie pour sa prestation, aussi lui glisse quelques mots au sujet de l'enregistrement que je possède de Lou Reed et lui... alors son visage s'illumine et il me répond sans aucun accent "Mais nous pouvons aussi parlers en français..." ...Plus tard, dans la nuit,  il est reparti souriant avec d'une main sa valise-guitare, usée la valise et la guitare acoustique, et de l'autre L'Evangile BleuNUIT.


BONUS/RAPPEL




lundi 6 mai 2019

The SADIES et JON SPENCER & The Hitmakers



La dizaine édition du festival Roots & Roses à Lessines, au cœur de la Wallonie picarde a eu lieu le 1er mai dernier en proposant une affiche très éclectique qui a permis a chacune et chacun d'y trouvé son compte et même si nous sommes nombreux a avoir attendu C.W. Stoneking mais a être partir avant la fin de sa prestation car globalement l'australien qui était présent en trio avec un batteur et un bassiste qui n'ont assuré que le minimum syndical ; assurément C.W. Stoneking est un excellent chanteur et compositeur qui fait très attention à son image vintage mais cela ne suffit pas, n'a pas suffit sur scène à défendre la réputation qu'il traine de dernière grande révélation du Blues, d'ailleurs à l'écoute des 6, 7 titres qu'il a joué en début de concert le premier je me suis dit que finalement ce n'était pas tant que cela des compositions blues qui apparaissent quand elles sont sorties de leurs écrins des 3 albums foutrement bien certes ficelés vintage mais en public avec juste une guitare acoustique somme toute au son poussif, plus un bassiste et batteur plus enclin au maniérisme qu'à autre chose,  il s'avère que le gaillard australien n'est absolument pas convaincant, ni crédible et surtout, je pense, parce que d'un point de vue plastique et iconographique c'est très fabriqué, calculé puis la 'petite' entreprise C.W Stoneking vend ses affiches-posters pré-dédicacé en avant coulisse à la chaine : 20 euros, cela donne à mesurer l'ampleur du malaise, de l'arnaque. On est , là,bien loin de l'esprit initial du blues... heureusement, il y avait bien d'autres groupes qui avant avoir permis à ce festival de tenir presque toutes ses promesses bien que de mon point de vue c'est encore avec deux vieilles valeurs sûres que ce fut exceptionnel, The SADIES et JON SPENCER & The Hitmakers.




The SADIES


J'ai découvert The Sadies, il y a bien une dizaine d'années à l'époque où ils faisaient les premières partie du Heavy Trash de Jon Spencer et Matt Verta, même qu'ils rejoignaient le duo infernal pour la seconde moitié du concert de ces derniers et que c'était exceptionnel. NOUS avons pu voir et entendre CELA au Grand Mix de Tourcoing jadis. Ce groupe canadien a au moins 8 albums à son actif et je m'étonne qui ne soit pas plus connu, reconnu et un sentiment qu'est venu renforcer leur concert auquel j'ai pu assister dans le cadre de la dixième édition du 'Roots & Roses' festival. Leur prestations presque vintage mais pas vraiment a été une alternance de composition d'instrumentaux aux guitares furieuses avec des échos dans les amplis de tous ces vieux groupes qui savaient vraiment faire dans la réverbération : The Shadows, The Ventures, The Chantays, et de ballades country-folk électriques que l'on peut croire descendues tout droit des montagnes d'épisodes de la série Twin Peaks de David Lynch et avec des décrochages instrumentaux déjantés et pas piqués des vers. Pour moi assurément la prestation de The Sadies a été avec celle de Jon Spencer & The Hitmakers, l'un des deux sommets de cette journée de festival.

JON SPENCER
& The Hitmakers


Quand J'ai découvert Jon Spencer Blues Explosion ! au milieu des années 90 ce fut pour moi vraiment une très grande révélation car rien ne n'avait enthousiasmé autant depuis certains groupes punks et post punks des années 80's. Après des années avec son premier groupe de rock bruitiste et industriel (appellation non contrôlée !) Pussy Galore, à la charnière des années 80 et 90, Jon Spencer va mettre sur orbite le Jon Spencer Blues Explosions ! Trio extraordinaire qui va en les faisant exploser réinventer le Blues & le Rock de par un conjugaison d'une rare énergie brut de décoffrage et à mon sens depuis il n'y a plus eu rien de pareil. De 2005 à 2009, Jon Spencer s'octroie un break et fait vivre avec Matt Vera le duo sur disque puis combo sur scène qui est du même acabit que le rock du Blues Explosion ! Sauf que cette fois cela tire du côté des racines de la country et du rockabilly mais c'est à nouveau une pure réussite ! Trois albums existent et ils sont hautement recommandables. Ensuite, au alentour de 2010, Jon Spencer retrouve ces 2 complices du Blues Explosions ! est il relance la machine furieuse qu'est ce groupe, il faut avoir vu cela une fois dans sa vie si l'on se dit rocker. Enfin, en 2018, Jon Spencer enregistre un album solo qui se nomme Spencer sings The Hits avec une superbe pochette psychédélique sauf que le contenu est franchement très rock et furieusement déjanté avec deux acolytes un batteur M.Sord et un officient au synths pour un contenu qui semble être une quintessence de tout ce que Jon Spencer a pu proposer depuis Pussy Galore et ce qui est confirmé lors des concerts car un quatrième comparse a rejoint la formation qui est nommée au passage The Hitmakers, avec un second batteur qui n'a pas de baguettes mais des marteaux et des gants de protections pour taper sur ces bidons, poubelles en ferrailles et catalyseurs de pot d'échappement car il n'a pas de tambour et cette fois ci le rock-blues explosif a plus qu'une touche d'art brut, il l'est réellement rock-blues-art-brut ! Bref ! Il faut avoir vu cela en action pour mesurer qu'en action Jon Spencer & The Hitmakers dégage... une machinerie de rock-blues (là appellation tout à fait contrôlée et justifiée !) brut de chez brut. Puis Jon Spencer quel chanteur ! Quel bête de scène et quand il se lance dans ses monologue pour haranguer en transe le public et notamment ces dames alors que le groupe comme une bête forcené continue à faire tourner le son derrière, c'est jubilatoire, jouissif et sans jamais se perdre dans la crânerie. 

Le véritable point culminant de ce festival Roots & Roses, à mon sens, a été Jon Spencers & THE Hitmakers surtout qu'ils sont hors normes et hors mode du moment. Pour moi, Jon Spencer est une révélation qui dure depuis plus de 20 ans, toujours et encore à contre courant. 


Enfin pour conclure cette chronique l'une des plus belles images de cette dizaine édition du 'Roots & Roses' de Lessines, le baiser du jeune duo The Courettes qui a la vitalité,la générosité de la vraie jeunesse qui font que le vrai rock à encore de belles heures authentiques et spontanées devant lui.










21./ J.J CALE : "Magnolia" (1970).